Cindy Hill
A bell I never hear
31.10–07.12.2024
Salle 1

Vernissage
Jeudi 31 octobre, 18h

Discussion
Jeudi 5 décembre, 18h

Artiste
Cindy Hill

L’exposition A bell I never hear de Cindy Hill explore les subtilités des espaces genrés et de l’expérience du passage à l’âge adulte. À travers des sculptures et des vidéos, Hill interroge les stéréotypes de la féminité dans l’enfance tout en réimaginant des environnements traditionnellement marqués par la masculinité. Sa pratique matérielle implique souvent la transformation d’objets — une déconstruction, une reconstruction ou une réaffectation — qui remet en question leurs possibles associations ainsi que leurs liens avec le corps humain.

L’une des œuvres principales de l’exposition, Briddle fantasy, est un accoudoir de canapé en cuir remodelé en selle équestre. Le canapé en cuir marron est un symbole des espaces masculins, comme les « Man caves », historiquement lié au plaisir passif et à la détente. Hill le reconfigure en un objet actif et dynamique qui évoque la curiosité sexuelle d’une jeune fille. L’œuvre fait écho aux images provocantes capturées par le photographe germano-australien Helmut Newton dans les années 1970, où l’équipement équestre servait d’accessoire dans des scènes stylisées de soumission et de domination. Dans le travail de Newton, les selles et les harnais transcendent leur rôle fonctionnel pour devenir de puissantes métaphores visuelles de contrôle, de pouvoir et de désir — une connotation érotique qui persiste encore aujourd’hui. Briddle fantasy puise dans cette charge fétichiste, tout en démontrant les façons souvent dissimulées qu’ont les femmes à découvrir le plaisir, et comment ces expériences secrètes du désir féminin se posent en contraste des discussions ouvertes de la sexualité masculine. L’œuvre reflète également le trope culturel de la « Horse Girl », archétype péjoratif d’une fille introvertie et socialement maladroite, obsédée par les chevaux. En s’appuyant sur des références personnelles liées à l’expérience de sa sœur, Hill critique la manière dont les passions et la confiance en soi sont souvent honteuses ou ridiculisées auprès des jeunes filles.

L’exposition présente également une longue chaîne suspendue, enveloppée dans un textile tressé et ornée d’objets en céramique surdimensionnés. Cette pièce, Keepsake, évoque l’acte de tresser des cheveux — un geste de soin intime ancré dans les expériences de l’enfance féminine et de la « bedroom culture ». Les objets accrochés à la chaîne symbolisent le poids des attentes sociales et la manière dont l’identité est façonnée par des accessoires et des pratiques liés à la féminité. Le travail de Hill porte souvent des traces de manipulation afin d’aborder la relation complexe entre le corps et les accessoires utilisés, oscillant entre attirance et répulsion, plaisir et honte, émancipation et inconfort.

Diffusée sur un téléviseur vintage, la vidéo "Jean and Herela’s 50th Anniversary Celebration", capturée par l’artiste, présente une séquence de mains en mouvement lavant une selle équestre. Les gestes lents et délibérés sont inspirés de vidéos instructives trouvées sur YouTube. Les actions dans la vidéo prennent une forme sensuelle et ambiguë, estompant la ligne entre l’éducatif et l’érotique. Le format VHS confère à l’œuvre un aspect onirique, suggérant les premiers souvenirs d’éveil sexuel, marqués par la curiosité et la confusion. Le visuel granuleux et déformé rappelle les vidéos « homemade » des années 1990, amplifiant l’influence des médias et de la technologie dans le développement du désir et du plaisir. Cette exploration de la culture fétichiste se retrouve également dans la sculpture d’une porte rembourrée en cuir, ornée de motifs tourbillonnants. L’œuvre intitulée Permissions agit comme un seuil entre les sphères public et privé, suggérant les espaces liminaux au sein desquels les fantasmes des femmes prennent forme.

Hill incite les spectateur·ices à interroger leurs propres perceptions des espaces genrés, du désir et du pouvoir, proposant une méditation à la fois intime et troublante des complexités de l’expérience féminine.

Anaïs Castro