Marie-Ève Levasseur
braceresses (une symbiose avec l’invisible)
06.04–06.05.2023
Salle 1

Vernissage
Jeudi 6 avril, 18h

Discussion
Samedi 15 avril, 15h

Artiste
Marie-Ève Levasseur

Encore une petite libation pour toutes ces brasseresses, encore une, et une autre, il y a bien longtemps qu’elles ont été célébrées. Libation comme source de vie; telle l’eau fuit, coule et courbe. Ces braceresses, elles sont derrière chaque lampée de bière que vous avez pu boire le long de votre vie, et ce, depuis plus de 5000 ans. Ici, Marie-Ève Levasseur propose une symbiose avec l’invisible, allant des noms effacés par l’histoire à l’activité non humaine des levures et de leur fermentation. Sa voix est celle des sorcières, des prêtresses et autres femmes, telles des survivances fantomatiques, telles qu’en leur nom réel et immémorial : alewife, brasseresse, brewster, braciatrix.

Braceresse étant pourtant à l’origine un nom invariable féminin, étrangement, mon logiciel de traitement de texte ne cesse de me renvoyer à une erreur d’orthographe. Jadis, femmes aux remèdes innombrables, elles étaient à la source d’un breuvage potable et d’inéluctables soins. En des temps sans médecine telle que nous la connaissons, en des temps sans eau potable, nous accordions les effets bénéfiques de la fermentation à la magie, l’invisible agissant dans le temps. Sorcières, donc.

L’exposition nous enjoint à prendre un verre et à célébrer la déesse Ninkas — mère de la fertilité, des remèdes et de la bière — ou encore, la déesse Tenenet ou Mbaba-Mwana-Waresa. Évènement rassembleur ou rite païen, les objets, œuvres, ami·e·s et autres regardeur·euse·s s’y mélangent comme un brassage, une fermentation, une quasi-alchimie. Le but est énoncé : une exposition, un vernissage, une rencontre autour des œuvres de l’artiste, mais le chemin est sans tracé. Nous décoderons des marches à suivre, çà et là, comme Levasseur a décrypté l’antique hymne à la Ninkasi.

L’art est donc concocté comme une bière dans son brassin. Il contient des éléments du passé : allant de la sueur de l’artiste qui se retrouve dans votre bière, jusqu’à la recette possible de la toute première bière ; le tout infusé d’un rite sans âge — boire en bonne compagnie. Mais aussi, ce brassin fait cohabiter le digital et le matériel en un seul espace, celui du Centre CLARK. Cette cohabitation de l’un et l’autre permet une écoute du non-humain, comme l’espoir d’une sensibilité encore sans nom. Une sensibilité qui semble décentrer l’humain au profit de tout ce qui est — visible ou non — de la machine, du digital, de la bière, de la rencontre, du spirituel, des femmes. Votre esprit se fait léger et vous semblez plus enclin aux rires, aux pleurs, aux joies — telle une affliction démoniaque, votre bière fait effet.

— stvn girard