Hédy Gobaa
Cuire : le devenir pizza
18.01–17.02.2024
Salle 2
18.01–17.02.2024
Salle 2
Vernissage
Jeudi 18 janvier, 17h
Artiste
Hédy Gobaa
Le titre de la présente exposition, qui ne peut que nous tirer un sourire, est une parodie du « devenir » deleuzien. « Le devenir pizza » est une allusion à l’à-venir de l’humanité et à ce que nous deviendrons : « rôtir, ici sur terre ou en enfer », pour reprendre les mots de l’artiste Hédy Gobaa. Nous sommes plus qu’échauffé·e·s, étant constamment soumis·e·s à des tensions de toutes sortes pour cause de dissonances géo-historico-politiques et de la crise écologique anthropocentrique. Comment dépeindre notre monde aujourd’hui ? Le feu représenterait-il notre ère actuelle tandis que les conflits explosent çà et là et que la chaleur sur terre est toujours en ascension ? Ce sont des questions que se pose Gobaa. L’enfer, s’il y en a un, c’est ici, et peut-être même maintenant ; nous sommes comme des pizzas prêtes à cuire à des degrés d’intensité qui nous dépassent.
Dans son plus récent corpus, Gobaa peint une pluralité de sujets pour le moins insoupçonnés, à la limite du comique et du tragique : de vulnérables chattons dissimulés sous le moteur brulant d’une voiture, un démon satyrique étendu au-dessous d’un radiateur à broil, une femme allongée sur une plage à bois bouillante. Ceux-ci sont recontextualisés dans des non-lieux, à même des milieux asphyxiques, sortes de mises en abyme. Les surfaces des toiles sont pensées comme des écrans cadrant des images fixes. Nous nous retrouvons dès lors télescopé.e.s devant notre fin imminente ; véritable impasse défiant nos appréhensions. Nous sommes contronté·e·s à notre propre existence.
La peinture de Gobaa est combustible. Le pinceau de braise de l’artiste allume ses compositions de nuances incandescentes. Ses combinaisons d’huile et de pigments sont comparables à des liquides fumants. Les couleurs, notamment des orangés érubescents, représentent ainsi le feu. Les toiles sont comme illuminées et alimentées. Des dispositifs lumineux spécifiquement réalisés pour l’exposition attisent cet effet. Les rendus, résultant de la hardiesse technique du peintre — préparation avec attention des surfaces, gestes contrôlés afin d’assurer la précision des aplats et des glacis en répétition —, sont des vecteurs de sensations liées à la chaleur et, de surcroît, à la suffocation et mettent en évidence la persistance manifeste de ce qui nous attend.
Par son écart radical entre la perception et le réel, Cuire : le devenir pizza s’appréhende telle une expérience aux potentiels humoristiques dépourvue de logique, mais munie de ressentie quant à notre interprétation du sens que prend déjà notre existence dans ce monde en fumée.
—Jean-Michel Quirion