Diyar Mayil
Houseguest
08.09–08.10.2022
Salle 2
08.09–08.10.2022
Salle 2
Artiste
Diyar Mayil
L’un des enjeux marquants de notre époque est la migration forcée d’individus, exacerbée par d’interminables guerres par procuration, conflits politiques et crises environnementales qui déciment des peuples et qui poussent de nombreuses personnes à chercher refuge dans des terres d’asile. L’artiste Diyar Mayil se concentre sur cette relation entre l’invité (immigrant) et l’hôte (nation). L’hostilité avec laquelle les immigrés, les réfugiés et les demandeurs d’asile sont accueillis en Occident est bien connue et a été mise à nu. Cette hostilité s’exprime par de nombreuses politiques et par le traitement inhumain réservé aux personnes amenées dans des camps de réfugiés et des centres de détention pour immigrés ou déportés.
Mayil vous entraîne dans un espace de tension et de vulnérabilité. Elle vous demande, son invité, d’observer votre position et votre relation face à votre pays d’origine, à la terre, à la nation, aux frontières et à l’accueil. En tant qu’immigrante kurde alévie de la Turquie, vivant sur des terres volées du soi-disant Canada, Mayil se questionne largement sur le concept du « chez-soi » et sur la signification de ce terme, alors que l’identité et l’existence mêmes, tant à domicile que dans les pays d’accueil, sont soumises à l’hostilité et à la violence. Un pays d’origine n’est qu’un foyer provisoire si ses habitants sont contraints ou susceptibles de partir à tout moment.
Pourtant, l’environnement domestique est d’autant plus important lorsque ce qui se trouve juste à l’extérieur du périmètre de ses cloisons vous rappelle que vous n’êtes pas bienvenu, ou au mieux, que votre présence est « tolérée ». L’intimité d’une maison et sa sécurité relative sont à la base d’un espace où s’épanouit la liberté d’expression, et où les saveurs et les parfums évoquent un univers perdu pouvant être recréé à travers les sens, les rituels et les traditions. C’est également en ces lieux que la misère du monde se dévoile et se manifeste.
Les sculptures de Mayil représentent des objets ménagers corporels et des meubles qui imitent des êtres sensibles. Sitting Through est une table dont les pieds en argile semblables à de la chair rougissent aux extrémités, tandis qu’une « peau » de silicone recouvre sa surface et révèle des protubérances, suggérant ainsi un état d’inconfort et de douleur. Mayil exhibe ici les revers de la transmigration et expose les écorchures laissées sur le corps et l’âme. Dans Medicine Cabinet, les objets contenus dans l’armoire sont dissimulés par une peau de silicone qui s’accroche aux secrets et aux effets personnels qu’elle préserve, comme si elle était issue d’un abdomen. Celle-ci n’offre à son spectateur qu’une étagère vide, d’un geste poignant et dramatique. Dans Guestbook, les spectateurs sont appelés à lire les réflexions de l’artiste sur les thèmes et les concepts explorés dans ce corpus d’œuvres. Elle y révèle par ailleurs l’importance du langage et de sa langue maternelle dans le processus de création de sens. Elle nous guide à travers sa pratique dans ces mots : « L’intuition fait partie intégrante de ma méthodologie. Cela me donne l’espace pour bouger, en plus de permettre au spectateur de s’identifier à mon œuvre. Bien que je m’inspire de mes expériences personnelles, je veux que mon public ressente ses propres sentiments face à mon travail, des sentiments qui le concernent lui, plutôt que moi. »
— Mojeanne Behzadi (traduction par Marie-France Thibault)