Ahreum Lee
My Mother is Data
27.10–26.11.2022
Salle 2
27.10–26.11.2022
Salle 2
Vernissage
Jeudi 27 octobre, 19h
Artiste
Ahreum Lee
Ahreum Lee, artiste médiatique interdisciplinaire d’origine sud-coréenne, présente au Centre CLARK My Mother is Data, une exposition d’une sensibilité virtuelle démesurée. Le projet éponyme, en cours de réalisation depuis 2019, s’appréhende telle une collection de réminiscences écraniques ; une généalogie pixélisée de souvenirs familiaux indéterminés, un héritage précarisé par le virtuel, une hiérarchie de données vouées à l’oubli.
My Mother is Data explore les façons dont les données numériques bouleversent la mémoire affective. L’œuvre collige des bribes de la relation — de l’histoire — de l’artiste avec sa mère biologique éloignée. Lee n’a été en contact avec sa mère que via des voies télécommunicationnelles dont nommément des courriels ou des appels. Les dernières nouvelles que Lee a reçues de sa mère étaient en 2014, lorsque son père l’a prévenu que celle-ci était décédée. Cette information s’est avérée être un mensonge. Lee a éventuellement constaté par le biais de documents émis par le gouvernement coréen que sa mère est toujours vivante. Cette épreuve l’a menée à réfléchir à l’impasse de la mémoire, notamment de sa fragilité, entre le souvenir d’un instant passé et la réalité du moment présent. Dans les travaux de Ahreum Lee, les historicités et les temporalités s’entrelacent et s’effacent.
La proposition est une animation 3D, sorte de cyberespace d’une délicate volupté visuelle, dans laquelle un papillon fleuri explore un monde numérique façonné par Lee d’après des allusions nostalgiques et des connotations sporadiques à sa mère. Cette vidéo s’inspire d’une ancienne fable chinoise, Butterfly Dream, de Tchouang-tseu parue dans son texte fondateur Zhuangzi (288 av. J. -C.). En référence à cette parabole, l’artiste compare la confusion existentielle de rêver à un instant qui semble trop réel avec son expérience de n’avoir eu que des contacts numériques avec sa mère. L’imagerie est ponctuée de transcriptions autobiographiques d’après des correspondances — souvent très génériques — entre sa mère et elle. Celles-ci se scrollent parmi les projections. Des captures d’écran de conversations par email, des onglets de pages Web promotionnelles, ainsi que des modélisations issues d’applications de cartographie en ligne ou de navigation se superposent à des panoramas en mapping bigarrés de pixels. Afin de transposer les visiteur.euse.s dans la vacuité de son rêve, Ahreum Lee nous défile dans un espace immersif et, de surcroît, attractif. Nous sommes à la fois devant et dans un site Internet, consommateur.ice.s d’une pléthore d’images délocalisées ; immatérielles, irréelles et illimitées. Somme toute, l’exposition My Mother is Data est une rencontre en visio d’une intimité réseautée.
- Jean-Michel Quirion