Gauche :  Dayna Danger, «self portrait, Kinship Masks», 2020. // Droite : Moe Clark, «Feast of the Invisible», 2018. Photo : Kinga Michalska.

Gauche : Dayna Danger, «self portrait, Kinship Masks», 2020. // Droite : Moe Clark, «Feast of the Invisible», 2018. Photo : Kinga Michalska.

Dayna Danger

Moe Clark

ARTISTES AUTOCHTONES EN RÉSIDENCE 2021

EN RÉSIDENCE /
8 JANVIER - 30 MARS 2021

PRÉSENTATIONS D’ARTISTES
EN LIGNE /

MERCREDI 24 MARS, 17H30
(lien ci-dessous)

Le Centre CLARK et l’Indigenous Curatorial Collective / Collectif des commissaires autochtones (IC/CA) sont heureux de s’associer afin d’accueillir les artistes Dayna Danger et Moe Clark pour une résidence dans l’espace d’atelier individuel du Centre. Cette résidence est rendue possible grâce au soutien du Conseil des arts de Montréal. Les deux artistes  présenteront leur travail en cours en ligne le 24 mars prochain.


BIOS /

Dayna Danger est artiste et activiste 2esprits (2S) Métis-Saulteaux-Polonaise. Iel a grandi à l’extrémité nord-ouest de Win-nipi dans le territoire du Traité no 1, la soi-disant ville de Winnipeg. Iel vit actuellement à Tiohtiá:ke ou la soi-disant ville de Montréal. Faisant appel à la photographie, à la sculpture, à la performance et à la vidéo, Danger remet en cause, dans sa pratique, la frontière entre l’émancipation et l’objectification en revendiquant l’espace au moyen de ses œuvres plus grandes que nature. Par son utilisation actuelle du BDSM et des masques-fétiches en cuir perlé, iel explore la dynamique complexe entre sexualité, genre et pouvoir dans une approche féministe de consentement. La souveraineté visuelle et érotique autochtone et métisse demeure au cœur de ses préoccupations. Danger a récemment exposé ses œuvres au Musée des beaux-arts du Canada dans le cadre de Àbadakone | Feu continuel | Continuous Fire. Iel a fait la couverture du numéro de juin 2017 de la revue Canadian Art, intitulé Kinship. Danger a participé à des résidences au Banff Centre for the Arts et au Plug In Institute of Contemporary Art. Iel poursuit un doctorat indépendant à l’Université Concordia sur les pratiques de tannage de son arrière-grand-mère, Madeline.

Artiste multidisciplinaire âpihtawikosisâniskwêw (Métis/nêhiyaw/Française/Norvégienne/Britannique) et 2esprits, Moe Clark est un oiseau-tonnerre musical. Elle tisse l’improvisation vocale et le lyrisme multilingue pour créer des œuvres dont la signification s’ancre à la fois dans l’héritage personnel, la mémoire ancestrale et le savoir incarné. En tant qu’artiste autochtone contemporaine, Moe affirme sa volonté de se réapproprier, de restaurer et de « rematrier » les savoirs féminins et queer au sein des pratiques culturelles et créatrices. Originaire d’otoskwanik, au confluent des rivières Bow et Elbow dans le territoire du Traité no 7, Moe s’est établi à tio'tiá:ke (Montréal) il y a plus de dix ans. Son travail d’artiste, d’éducatrice et d’activiste consiste à évoquer et à raccorder les liens qui unissent aux territoires, au corps et à la voix. Pour ce faire, elle recourt à des démarches créatrices d’immersion linguistique, aux cérémonies et au chant.


DÉMARCHES D'ARTISTES ET PROJETS /

Dayna Danger
Par l’utilisation de la photographie et des pratiques ancrées dans le territoire, je crée des objets d’appartenance et des ambiances qui remettent en question la limite entre l’autonomie et l’objectification. Ma pratique artistique se veut une réflexion critique des enjeux de visibilité et de refus en faisant appel à des référents symboliques de la communauté kink, de la parenté autochtone et des lettres d’amour. Paradoxalement, la visibilité n’équivaut pas à la sécurité dans les communautés queer et racisées. Ces œuvres ont pour effet d’interrompre la réalité, le temps de mettre en lumière la complexité des dynamiques sexuelles, de genres et de pouvoir dans des échanges qui mettent toujours en action le consentement. Les notions convenues de silence et de « jouer les saintes nitouches » sont révélées pour ce qu’elles sont vraiment : des dynamiques coercitives et patriarcales, sans rapport avec l’émancipation ou l’autonomie. Dans mes œuvres, les bois servent à créer et à provoquer de la tension, représentant les nombreux facteurs à prendre en compte afin d’entretenir des relations saines, une image de soi positive et des relations sexuelles. Mon travail sert à contester les perceptions et les oppressions coloniales qui prévalent lorsque la cisnormativité n’est pas consciemment abordée. Les savoirs acquis par le vécu procurent à la communauté l’espace, l’empathie et le respect nécessaires, permettant aux individus de mettre en paroles leurs expériences partagées. La voix et la représentation des expériences personnelles s’incarnent par l’entremise de stratégies de consentement soutenu, d’acception, de soutien, d’autodétermination, de refus des normes imposées et de réappropriation de l’espace, de manière à éviter les perceptions fâcheuses. Je veux réaffirmer visuellement qu’en partageant nos histoires, nous pouvons cultiver des relations amoureuses consentantes et décoloniales.

Pour cette résidence, je travaillerai sur des portraits photographiques d’objets personnels pour un corpus intitulé Neglect (Négligence). Ces objets peuvent comprendre un cadeau de perlage offert par un·e ami·e de longue date ou encore, un mélangeur de métal géant utilisé par mon arrière-grand-mère polonaise pour cuisiner des perosky, de petits pains farcis de choucroute. Au moyen de mises en scène, j'assemble en autant de paquets culturels de vieilles photos remisées, des souvenirs empreints de nostalgie et de la parenté animale empaillée, précieuse, mais en voie de désintégration. Dans la tradition des matriarches polonaises et métisses ainsi que des tantes et des oncles indigiqueer qui ne jetaient presque rien, tout a une utilité, ne serait-ce que pour porter les histoires et les chuchotements des nombreuses générations. Ce processus d’honorer et de laisser aller fait partie de la guérison et de la résurgence bispirituelle.

Moe Clark
Acâhkos sipiy – tisser la rivière d’étoiles
Les enseignements des étoiles, transmis par la tradition orale, servent depuis des générations à préserver les valeurs communautaires, les liens avec les cérémonies et les pratiques initiatiques. À une époque où l’accès au territoire est précaire, nous nous tournons vers le monde du ciel et des étoiles comme outil de navigation pour nous rapprocher de nos rêves. Tout au long de ce processus, je propose d’envisager les enseignements des étoiles à partir d’une pratique contemporaine qui remet en cause et met au défi leur aspect « traditionnel » en y apportant une perspective queer. La transmission des connaissances par les détenteur·trice·s du savoir, l’exploration langagière, la création musicale et la cartographie des mouvements façonnent des relations queer qui permettent de recadrer et de faire vivre des liens non binaires dans un flux générateur. Dr Alex Wilson, universitaire cri et détenteur·trice du savoir 2S, s’est avéré une source d’inspiration pour rendre queer les enseignements des étoiles. Son travail de recherche sur la terminologie originelle des constellations en langue crie contribue à une interprétation non binaire des rapports cosmologiques. Wilson propose une interprétation novatrice de la constellation Orion qui, du point de vue occidental, est masculine et représentée par un chasseur. En nêhiyawêwin (langue crie des plaines), Orion s’appelle wîsahkêcâhk qui se traduit par « étoile amère » ou « esprit rebelle » : wîsakan – amère, acâhkos – étoile, acâhk – esprit. Le nom wîsahkêcâhk fait aussi référence au trickster légendaire et surhumain cri, une figure non binaire qui trouve toujours moyen de survivre, peu importe les épreuves. Le fait de décoder et de recadrer cette constellation met de l’avant et donne vie à la parenté 2S et non binaire.

En collaborant avec cinq artistes 2S de différentes nations, nous présenterons un dialogue numérique où le savoir des étoiles sera remixé en cinq cartographies de musique électronique. Je vais d’abord m’occuper des sources du nêhiyawêwin, les « repères spirituels »; ces syllabiques visuelles révèlent nos liens de réciprocité et de transformation avec acâhk (l’esprit) ainsi que les origines des sons occultés. Ces repères spirituels nous rattachent à une mémoire générative et s’offrent comme refuges lors de la création et de l’innovation musicales. À la façon d’une chanson à répondre, nous appellerons à reculons vers l’avenir à partir de notre présent dans un imaginaire empreint de réciprocité.