Michael Eddy
M for Leviathan
18.05–17.06.2023
Salle 2

Vernissage
Jeudi 18 mai, 18h

Artiste
Michael Eddy

L’autonomisation de la technique est le principe instrumental de l’interconnexion des machines, faisant de l’humain le spectateur asservi d’une complexité macrostructurante, globalisante¹.

La mairie ne contrôle plus rien, et développe à tour de bras. Les permis sont accordés tous azimuts, les pelletées inaugurales célébrées avec enthousiasme tant par conviction bâtisseuse que par ferveur partisane. Les administrations locales se nourrissent de données censées optimiser le fonctionnement de la métropole, et pourtant ce qu’on créée surtout, c’est davantage d’exclusion, de nouveaux déserts, médicaux ou alimentaires. Pour la technosphère on construit des voies plus rapides, l’injonction est de croître et tisser des liens, mais pas n’importe lesquels : aqueducs, tunnels et autoroutes, dans une trame de surveillance généralisée cruciale pour éviter le débordement des captif-ves de la précarité. L’information circule vite, fuit de partout. La rhapsodie de la rue est asynchrone, le bruit est celui de l’étalement urbain et de la surchauffe immobilière, pas du tout une mélopée bop, plutôt bande-son électronique dissonante générée par des humains fascinés par les robots. Les flux, créatures à l’accroissement incontrôlable, se reproduisent et colonisent tout. On voudrait mettre fin aux chantiers et aux grands projets d’infrastructures, mais leurs commanditaires sont insatiables dans leur soif de pulvérisation de l’ancien et du vivant. La Métropole est un Léviathan qui se nourrit des corps en réseaux, des données animées d’une multitude citoyenne subjuguée par les avatars du pouvoir et ses mascottes corporatives.

Avec M for Leviathan, Michael Eddy nous invite à considérer l’inassimilable et l’intraitable; ce qui, dans la production et l’existence humaine, demeurera indigeste aux systèmes de capture du capital numérisé. Ce quelque chose qui ne rentrera ni de gré ni de force dans la machine, impossible à décomposer en renseignements quantifiables et reproductibles, car trop extraordinaire. Qui souhaitera s’extraire un peu de la technopole se devra d’être décroissant, critique, antidisciplinaire. Iel aura besoin de mobiliser des techniques joueuses et futureproof devant le visage froid et l’intelligence reptilienne de la Métropole-Léviathan, pour ouvrir des chemins frondeurs et baveux parmi ses rebuts, à travers ses déconnexions et dans ses aires pas encore asséchées. « Peut-être qu’avec suffisamment de foi et d’attention, nous pouvons faire pousser des fleurs dans le désert? Peut-être que la technologie pourrait faire partie de la solution, plutôt que d’être la force qui dénude nos vies tendres avec ses tourbillons nihilistes²? » Ce n’est pas tout à fait l’Enfer, mais on dirait quand même qu’il est en construction quelque part par ici.

— Alexandre Piral

1 Fanny Lopez, À bout de flux, éditions divergences, 2022.
2 Michael Eddy, Koh-I-Noor, traduction libre, à paraître.