SOFT TURNS | ENCLOSED

SOFT TURNS | ENCLOSED

Salle 2

Soft Turns

ENCLOSED

EXPOSITION /
19 JANVIER AU 25 FÉVRIER, 2012

Le mouvement de balancier entre l'accessible et l'inaccessible, entre le compréhensible et l'incompréhensible est au coeur de la vidéo ENCLOSED, 2009, une projection sur deux canaux, qui présente deux espaces synchronisés, des bibliothèques miniatures (bâties essentiellement de livres). Pendant que la caméra bouge mécaniquement, arbitrairement à travers ces espaces jumeaux, on est témoin du changement de décor comme un passager, pris dans un mouvement inflexible. Le défi pour le spectateur est de négocier son propre niveau d'engagement, de naviguer à travers cet espace indéfini.

Le mouvement, présent à la fois comme expérience physique tangible et comme signe traduit par des symboles météorologiques dans l’installation de Bourgault, joue également un rôle important dans le diptyque vidéo Enclosed (2009), réalisé par le duo d’artistes canadiens Soft Turns. Formé de Sarah Jane Gorlitz et Wojciech Olejnik, qui poursuivent également chacun une carrière solo, le collectif produit des œuvres d’animation selon la technique du « stop motion », qui permet de créer un mouvement à l’aide d’objets immobiles. À mi-chemin entre la photographie et la vidéo, ce procédé fonctionne à l’inverse du film. Ici, les objets sont fixes lors des prises de vue, et ce sont leurs légers déplacements entre les images qui permet, lorsqu’elles défilent à une certaine vitesse, de simuler la fluidité du mouvement. Long et fastidieux, le procédé donne une certaine couleur à l’animation, qui se prête tout à fait à la proposition actuelle. 

Enclosed se déroule dans une bibliothèque, vidée de ses usagers. On y circule étrangement, non pas entre les rayons mais devant, un peu comme si nous n’étions pas réellement dans l’espace mais que nous en percevions une coupe verticale, dont la surface serait parcourue grâce à un appareil téléguidé à distance. On y avance, pourtant sans jamais vraiment y entrer, sans jamais en ressentir réellement la matérialité ou l’épaisseur – les objets, livres et étagères, paraissant toujours fuir devant l’objectif. Puis on se surprend à traverser les murs et les planchers, s’élevant sans emprunter d’escalier, ce qui rend l’espace illusoire et fait apparaître sa nature fictive, son état de maquette, de plan miniature édifié en trois dimensions.

Saccadé, le son, qui évoque celui que produit un chariot servant au déplacement des marchandises, suit le rythme des changements de direction de la caméra et contribue à l’instauration d’une distance entre notre position et l’espace devant lequel on se trouve. En effet, aucun son ne semble parvenir de la bibliothèque, anormalement figée. 

Impersonnel et froid, le point de vue qui nous est présenté rappelle son origine mécanique, transmis par l’intermédiaire d’un appareil d’enregistrement dont la présence ne s’efface pas devant son objet. Au contraire, on verrait plutôt dans le mécanisme, jouant un rôle de médiateur, le sujet central de l’animation. S’il y a bel et bien apparence de narration dans cette œuvre, le récit qui s’y raconte se déploie selon une focalisation externe, caractérisée par l’objectivité de son narrateur, extérieur à l’action, campé en périphérie dans un rôle d’observateur. 

Alors que la déambulation tire à sa fin, on se retrouve propulsé au plus près des livres, des pages remplies de mots, sans pour autant que la dimension tactile, intime et émotive qui est celle de la lecture ne soit convoquée. Les parcelles de texte balayant l’image sans rien nous raconter achèvent de nous dérouter quant à l’échelle de l’espace. Le langage s’y dévoile dans sa dimension plastique de signe, rejoignant ainsi les cartographies et les sons codés de Bourgault, qui résistent à la lecture de tout novice.

 
Voir softturns.com