Hamlet Lavastida

Hamlet Lavastida

Salle 1

Hamlet Lavastida

Manuel minimal pour lire un alphabet prolétaire

EXPOSITION /
17 MAI AU 22 JUIN 2019

VERNISSAGE /
VENDREDI 17 MAI, 20H

PRÉSENTATION D'ARTISTE /
SAMEDI 18 MAI, 15H

Lavastida Hamlet : un anthropologue du mensonge
J’ai rencontré Hamlet Lavastida il y a presque vingt ans, alors que j’étais encore étudiante aux beaux-arts à l’Académie San Alejandro, peu après mon entrée à l’Institut supérieur des arts et à la chaire d’Art Conducta, aux côtés de l’artiste cubaine Tania Bruguera. Ces trois institutions d’élite du campus artistique de Cuba ont sans aucun doute affermi l’esprit curieux et iconoclaste de l’artiste. Mais sa véritable passion, soit son intérêt à enquêter sur l’histoire et la politique non officielles de Cuba, est apparue précocement. Il serait même juste d’affirmer que cette passion découle de son propre mérite. Le « mérite », cet honneur du socialisme réel, peut rapidement devenir un « problème ». Il suffit d’une mauvaise phrase, ou d’un malentendu, pour obtenir l’aversion du pouvoir et être entrainé à terre depuis le sommet de la haute pyramide de la dictature du prolétariat.

En à peu près vingt ans de pratique, Lavastida s’est attelé à la recherche, au rassemblement et à la reconstitution de l’histoire des débuts de la révolution cubaine (entre 1960 et 1980). Ces années furent marquées par des programmatiques sociales, politiques et culturelles qui finiraient par définir le présent de la nation cubaine. Les luttes politiques cachées, les dissidences, le diversionnisme idéologique1, le paramétrage2 et la période connue sous le nom de « quinquennat gris »3, dans les années 1970, font partie de cette histoire non écrite et non enregistrée, mais réelle. Laissons Galilée expliquer cette notion.

La recherche de la vérité est un concept moderne, mais tombé en désuétude, car remis radicalement en question par le post-modernisme. Peut-être Lavastida est-il un de ces derniers romantiques, un idéaliste qui utilise néanmoins les stratégies discursives du présent, la performance, les graffitis, les pochoirs, la vidéo-animation, le pastiche, l’esthétique couper-coller pour reconstruire une mémoire fragmentée, une histoire a priori incertaine puisqu’elle ne reconnaît pas le pouvoir officiel. Il utilise ses propres sources, recueille ses erreurs comme s’il collectait des cristaux de valeur puis les nettoie et les montre au public.

Son travail est celui d’un anthropologue du mensonge qui s’appuie d’abord sur des textes sacrés (lois, manuels, revues, comptes rendus des congrès et des séances plénières du Parti communiste). Ayant été publiés à l’époque en tant que représentation de la vérité absolue, ils sont par la suite tombés dans l’oubli, ou même cachés intentionnellement, pour avoir expiré leurs préceptes, pour avoir déshonoré leurs héros et pour avoir hébergé, en bref, des preuves d’incohérence.

De par sa pratique, l’artiste devient un témoin fictif, car son jeune âge l’empêche d’être un véritable témoin. Néanmoins, son intérêt pour le passé l’amène à scruter la mémoire orale et écrite dans une quête de ces fragments inconfortables et biaisés par l’histoire officielle, cela pour la simple raison qu’on ne peut parler du passé sans considérer le présent. De nos jours, le fait d’analyser ces échecs, ces écarts politiques, nous aide à comprendre ce qui nous arrive, où nous allons et ce qu’il nous reste à faire.
- Lillebit Fadraga (traduction par Vir Andrès Vera)

1 L’expression « diversionnisme idéologique » fut employée à Cuba principalement dans les années 1970 pour référer quelconque idée, attitude ou pensée qui ne corresponde pas strictement aux directives politico-idéologiques du projet révolutionnaire. Le fait d’avoir les cheveux longs, de porter des vêtements et accessoires associés à la culture punk rock, d’écouter les Beatles ou du rock en général ou encore, de lire des revues étrangères pouvait être considéré comme une marque de dissidence et ainsi nuire au reste de la population; tout cela devait donc être combattu.

2 La « paramétrisation » allait devenir ces directions mentionnées plus haut afin de juger l’intellectualité en fonction de ce qui devait et ne devait pas se faire/s’entendre/se dire… Pour une étude approfondie, voir : Espinosa, Norge « Les masques de grisaille : Théâtre, silence et politique culturelle dans le Cuba des années 1970 » dans Les scénarios qui brûlent, Ed. Letra Cubanas, 2012.

3 Le terme « quinquennal gris » fut introduit par l’intellectuel cubain Ambrosio Fornet pour se référer à un changement dans l’implémentation de la politique culturelle à Cuba à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Pour une analyse exhaustive, voir : Fornet, Ambrosio “El Quinquenio Gris: revisitando el término” En Revista Casa de las Américas, No. 246, enero-marzo 2007, p.p.3-16

http://listas.casa.cult.cu/publicaciones/revistacasa/246/flechas.pdf

 

BIO

Hamlet Lavastida (La Havane, 1983) a poursuivi ses études à l’Académie nationale des beaux-arts San Alejandro (La Havane, Cuba, 1998-2002) et à l’Institut supérieur des arts (La Havane, Cuba, 2003-2009), ainsi qu’au Cátedra de Arte de Conducta (La Havane, 2004-2006). Son travail a été présenté dans des expositions telles que Iconocracia, au musée central basque d’art contemporain Artium (Vitoria-Gasteiz, Espagne, 2015), Politics: I don’t like it, but it likes me, au Centre d’art contemporain Łaźnia (Gdansk, Pologne, 2013), la Liverpool Biennial International 10’: Touched (Royaume-Uni, 2010), Curadores Go Home à l’Espacio Aglutinador (La Havane, Cuba, 2008) et la participation du Cátedra Arte de Conducta dans le cadre de la Gwangju Biennale (Gwangju, Corée du Sud, 2008). Il a aussi participé à des programmes de résidences, notamment A-I-R Laboratory, Centrum Sztuki Współczesnej et Zamek Ujazdowski (Varsovie, Pologne, 2012) et Residencia PERRO Aglutinador-Laboratorio (La Havane, Cuba, 2008).

Son travail porte actuellement sur certaines notions du langage idéologique dans le contexte cubain. Les questions de politique culturelles, de design, de sphère publique, d’archéologie et d’historiographie sont abordées à travers différents supports tels que la vidéo, le collage, la performance, l’intervention publique et l’installation.


Ce projet fait partie du projet
Montréal ~ Habana : Rencontres en art actuel / Encuentros de arte contemporáneo

Pour plus d'informations :
Communiqué de presse (FR/ES)
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