Salle 1

Jenine Marsh

the dirt under my nails

EXPOSITION /
24 OCTOBRE AU 30 NOVEMBRE 2019

VERNISSAGE /
JEUDI 24 OCTOBRE, 20H

PRÉSENTATION D'ARTISTE /
SAMEDI 26 OCTOBRE, 15H

5 octobre 2019
Montréal

Chère Jenine,

Tu décris le processus sculptural avec une profonde intimité – puisque ton corps entre en contact avec les matières et les objets. Tu proposes des moulages de mains – se sont toujours les tiennes, la gauche ou la droite, pour que quelques fois tu sois forcée d’utiliser ta main non dominante. Tu fais un moule que tu retires ensuite comme un gant.

Connais-tu mon amour des gants ?

Le moule relève les plus fins détails des plis des mains, des ongles et des bouts des doigts. Il s’étire, s’étale, se distord. Cette distorsion tu la conserves, l’ajustes ou la crées intentionnellement. Tu allonges parfois les doigts ou en ajoutes un, renonçant un peu plus à la réalité de ta main.

Tu me fais considérer le soi, ses frontières et ses contours; qu’est-ce qui dépasse le corps ?

Puisque les récipients sont habitués à recevoir une substance, les moules sont emplis de ciment humide ou de plâtre. Les moulages des mains sont ensuite frottés avec une poudre de pigment, souvent un argent grisâtre – une forme de frottage qui accentue les textures et les volumes.

Tous ces contacts sont autant le processus que l’œuvre elle-même et ton intérêt pour le toucher à tout à voir avec la surface. Tu me dis que la peau des choses n’est ni à l’intérieur, ni à l’extérieur – résistant aux définitions de l’un ou de l’autre, ou ni de l’un ni de l’autre, comme un excès de possibilités d’être, ou une personne ou un animal ou une chose.

Tu es de celles qui écrasent les pièces de monnaie sur les voies ferrées, et tu le fais depuis que tu es petite. Tu me parles du sifflement des trains que tu entendais toute la nuit quand tu étais enfant, jusqu’à ce que les lois sur la pollution sonore soient modifiées. Je pense aux pièces, à ce qu’il en reste; un mouvement perpétuel, une circulation, des choses déplacées et perdues, des choses qui disparaissent dans les trous des meubles ou des poches.

Ce pressage de pièces semble être une habitude ou un rituel détourné en une méthode de travail, une activité que tu répètes et dans laquelle tu t’engages, encore et encore. Tu manifestes des formes inattendues d’agentivité. La pluralité et l’excès de toucher et de contact impliqués dans la fabrication de tes œuvres semblent être une autre forme de prolongement – prolonger jusqu’à leur point de rupture les paramètres définis de ton propre corps, de ton agentivité, de ton toucher, ou des autres incarnations de la matière. Une dissolution perçue.

Ton pressage de pièces est potentiellement illégal de trois façons : s’introduire sur une propriété privée, placer des objets sur les voies ferrées et détruire de la monnaie. Tu me dis que de t’engager dans cette activité illégale consiste à faire mauvais usage des espaces et des objets. Tu détruis et mutiles des matières précises, plus précisément ce qu’elles signifient dans une représentation symbolique des valeurs et de la propriété.

Un rappel du potentiel et du pouvoir des petits gestes. Je ne cesse de penser aux voies ferrées qui s’étendent et couvrent une grande distance et je me souviens que les lignes parallèles ne se touchent jamais.

Bien à toi,

Celia

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- Celia Perrin Sidarous (traduction : Catherine Barnabé)



Jenine Marsh
(née 1984) est une artiste vivant à Toronto, Canada. Ses œuvres ont été présentées dans le cadre d’expositions individuelles ou conjointes à la Kranz Kaka, la COOPER COLE et la 8-11 de Toronto, à la galerie Lulu de Mexico, à l’Interface d’Oakland en Californie, à la Stride Gallery de Calgary, à Vie d’Ange à Montréal, à la galerie Entrée de Bergen et à la Beautiful à Chicago. Elle a également collaboré à des expositions collectives au Palais de Tokyo de Paris, à la Mother Culture de Toronto, à l’OSL contemporary d’Oslo, au centre Rupert de Vilnius, à la Gianni Manhattan de Vienne, ainsi qu’à la Night Gallery et la Hannah Hoffman Gallery de Los Angeles. Elle a été artiste résidente à la AiR Bergen USF Verftet (Norvège), au centre Rupert (Lituanie), au Banff Center (Canada) et au Vermont Studio Center (États-Unis). Son travail est représenté par la galerie torontoise COOPER COLE.

L'artiste aimerait remercier le Conseil de arts du Canada, le Chalmers Family Fund et le Ontario Arts Council.